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Louis Jullien, sauvé de la rue
Louis Jullien était né le quinze octobre mille-neuf-cent-quatre-vingt-quinze dans une famille ouvrière et allait avoir quarante ans. Son père travaillait en usine et sa mère faisait des ménages pour arrondir leurs modestes fins de mois. Cela leur permettait de vivre dans un immeuble propret de Saint-Denis, en banlieue nord de Paris, loin des grandes cités dans lesquelles la vie était devenue au fil des années bien difficile.
Son enfance n’avait été que privations et contrariétés. Les revenus de ses parents permettaient tout juste de les loger, alors pas de Noëls avec abondance, pas de vêtements de marque. Depuis tout petit, il s’était juré en secret que jamais, lorsqu’il serait grand, il ne connaîtrait ni fins de mois difficiles ni de privations. Après des études secondaires peu brillantes et une licence professionnelle, il avait trouvé un travail de technicien de maintenance.
Un jour, lors d’un raout chez des amis, Louis avait rencontré Annie Haertling. C’était une fille assez réservée et cela contrastait avec son côté extraverti, parfois exubérant. Ils avaient flirté, s’étaient revus, avaient entamé une relation un peu particulière. Il l’aimait bien, mais n’avait pas l’impression de vivre quelque chose de passionnel.
Annie était toujours d’humeur égale, toujours souriante, mais jamais vraiment joyeuse. Après tout, se dit-il, peut-être la relation entre un homme et une femme était-elle plutôt un contrat que quelque chose de fusionnel. Et puis, on lui avait dit que les passions ne duraient jamais longtemps, trois ans disait un film ancien, et se terminaient souvent mal. Louis pensait que c’étaient des propos de gens désabusés et n’y prêtait pas attention. Il avait l’exemple de ses parents qui avaient vécu ensemble plus de quarante ans et faisaient preuve d’une grande complicité, mais n’étaient pas très démonstratifs quant à leur vie intime ou leurs sentiments.
Annie avait terminé ses études d’infirmière et s’était installée en libéral, car elle ne souhaitait pas travailler en milieu hospitalier. Ils se marièrent un samedi de juin deux-mille-vingt, une belle journée se rappelait Annie. Elle avait eu le sentiment de devenir femme et en avait été émue. La noce s’était déroulée dans un château à côté de la ville d’Arbois dans le Jura, dans un endroit qui s’appelait le Val d’Amour et qui s’était fait comme spécialité d’organiser des noces hors du commun. Le mariage civil avait lieu dans la mairie d’un bourg du Jura dont aucun des convives n’avait entendu parler auparavant et où seuls les mariés, les témoins et la famille proche avaient pu accéder à la salle des mariages trop petite. Le reste de la noce était à l’extérieur, sur le parvis de la mairie ou au milieu de la route et suivait la cérémonie qui était retransmise sur les grands écrans. Heureusement, il faisait beau.
La noce s’était ensuite rendue dans le manoir proche qui était en mesure de loger les convives dans l’une de ses nombreuses chambres aménagées dans le bâtiment principal ou dans les anciens corps de ferme situés à proximité. Un chapiteau était installé sur la pelouse située devant la façade principale et pouvait accueillir jusqu’à quatre-cents personnes pour un repas. Le chapiteau était équipé d’une piste de danse. À l’intérieur du château, une pièce de dimension imposante avec une cheminée dans laquelle il était possible de se tenir debout et qui servait habituellement de salle de restaurant avait été débarrassée de ses tables et transformée pour l’occasion en piste de danse. Un coin-bar avec des tables et des chaises avait été aménagé.
La noce avait duré trois jours. Annie et Louis n’en étaient pas vraiment sûrs, mais ils soupçonnaient que c’est une ces deux nuits-là qu’ils avaient mis en route Chloé qui était née l’année suivante, suivie Charles deux ans après. Annie se remémorait parfois sa nuit de noces et les suivantes avec un brin de nostalgie.
Elle avait un peu de mal à concilier sa vie de mère et sa vie d’infirmière. Ses journées commençaient tôt le matin et se terminaient parfois tard le soir. Depuis qu’elle s’était installée avec Louis, elle restait à l’intérieur de la capitale. Elle s’était associée avec deux autres infirmières libérales et cela lui permettait de rayonner à partir de l’appartement, lui donnant la possibilité de revenir s’occuper de ses enfants, parfois plusieurs fois dans la journée. Ils avaient pris une nurse et s’astreignaient à revenir tôt de leur travail à tour de rôle afin de participer à l’éducation des enfants en fin de journée et ne pas leur donner l’impression d’abandon. Mais c’était parfois difficile de tout concilier.
Et puis il y eut ce dimanche de septembre deux-mille-vingt-six où tout chavira. Louis était parti faire rouler sa voiture en dehors de Paris. Ce dimanche-là, elle était restée à l’appartement pour préparer le repas et s’occuper des enfants qui jouaient à même le sol dans la salle de séjour. Pendant qu’elle s’affairait, elle prenait plaisir à regarder par la fenêtre les touristes profiter des derniers beaux jours en flânant. Elle regarda la pendule sur le mur de la cuisine : midi et quart. D’habitude, il ne rentrait pas aussi tard, ou du moins pas sans prévenir.
Elle commençait à se faire du souci. Midi trente, rien. Une heure moins le quart, toujours rien. Elle se décida à composer sur son téléphone le dix-sept, le numéro de la police à réserver pour les cas d’urgence. L’agent de permanence, une femme dont la voix semblait jeune, enregistra la demande d’Annie, nota la marque et le numéro de la voiture. La Policière lui demanda également un numéro de téléphone où elle était joignable et lui dit de ne pas trop s’inquiéter, car il y avait un embouteillage monstre sur l’autoroute au sud de Paris. Il devait certainement être bloqué dedans. Elle promit de rappeler si elle avait du nouveau.
Annie commençait à se faire un sang d’encre lorsque le téléphone sonna.
– Madame Jullien ?
– Oui.
– Bonjour, Madame, c’est la Police. Nous sommes en bas de chez vous. Pouvez-vous nous donner le code d’accès à l’immeuble ?
Son cœur manqua un battement et elle se mit à blêmir. Dans un souffle, elle murmura :
– 327B. Il n’est rien arrivé de grave ?
– A tout de suite Madame.
Deux minutes plus tard, le timbre de la porte retentit. Annie ouvrit. Il y avait un Policier en uniforme et un homme en civil qui se présenta comme l’officier de Police Klein. À leur vue, elle défaillit et le Policier en uniforme de précipita pour la soutenir. Ils l’installèrent dans le canapé du salon. Les enfants jouaient, intrigués par ces messieurs qu’ils ne connaissaient pas.
– Madame, reprit l’officier Klein, votre mari a eu un accident de voiture. Nous n’avons pas à cet instant plus de précisions, mais cela semble très grave. Il est en cours d’évacuation sur l’hôpital américain de Neuilly. Nous allons vous y conduire.
Elle reçut comme un coup de poing au ventre et s’affola. L’hôpital. « Mon dieu, et les enfants. Je ne peux pas les emmener, cela va de durer des heures. Et Louis, comment va-t-il ? », et beaucoup d’autres questions encore qui se bousculaient dans sa tête.
Il était peut-être déjà mort. Elle savait qu’en général le décès suite à un accident de la route survenait officiellement soit pendant le transport à l’hôpital, soit à l’arrivée du transport afin d’éviter les tracasseries administratives. Mais non, il ne pouvait pas être mort, le policier n’avait rien dit de tel. Puis l’émotion la submergea, elle se brisa et s’effondra en sanglots.
Le policier en uniforme avait anticipé la réaction d’Annie et s’était éclipsé discrètement. Il était en train de détourner l’attention des enfants en jouant avec des petites voitures, une poupée et en leur inventant une histoire.
Klein reprit :
– Madame Jullien, avez-vous un proche qui puisse s’occuper de vos enfants pendant que nous vous conduisons à l’hôpital ?
Entre deux sanglots, elle fit oui de la tête. Elle était incapable de prononcer un mot, attrapa un crayon et un carnet sur la table, et griffonna : nourrice et un numéro de téléphone.
– Vous n’avez pas de famille sur Paris ?
Elle fit non de la tête. Ses parents habitaient Roanne. Même s’ils se mettaient en route immédiatement, ils mettraient au moins cinq heures pour venir jusqu’ici. Quant à ses beaux-parents, elle aurait été incapable de donner leur numéro de téléphone.
– OK, je demande une assistance. Le nom de votre nourrice ?
Elle écrivit un nom sur le bloc.
– Nom et âge des enfants ?
Annie dit d’une voix étranglée :
– Chloé, cinq ans, Charles, trois ans.
Klein sortit un téléphone de sa poche, composa un numéro et dit :
– Klein à l’appareil. Concerne l’intervention en cours. Demande la mise en place d’un soutien matériel et psychologique pour deux enfants mineurs de cinq et trois ans en attente de prise en charge par des proches parents.
Puis il donna les coordonnées de la nourrice. Annie, dans un état second, entendit la petite voix qui sortait de l’écouteur dire :
– Reçu. Demande de prise en charge pédiatrique en cours. Un sous-officier vous rejoint dans quelques minutes. L’agent qui vous accompagne reste sur place jusqu’à nouvel ordre. Je me charge de faire venir la nourrice.
– OK. Tenez-moi informé de l’évolution de l’affaire.
– Concernant l’accident de la route, désincarcération toujours en cours, transport en attente.
– Merci.
Il mit fin à la communication. Annie s’était effondrée en sanglotant de plus belle. Klein maudit ce satané appareil téléphonique dont on arrivait parfois à capter la conversation à distance, sans être à l’écouteur. Il était sûr qu’elle avait entendu. Sans conviction, il essaya de la consoler.
La suite se passa pour Annie comme dans une espèce de brouillard. L’arrivée d’une femme d’une trentaine d’années, à l’allure sportive qui avait dit :
– Ne vous inquiétez pas, Madame Jullien, nous allons nous occuper de tout.
Le départ dans une voiture, gyrophare allumé et klaxon deux tons hurlant à chaque passage de carrefour, le crachotement d’une radio égrenant des informations sur des interventions de police en cours, l’arrivée à l’hôpital américain, la prise en charge d’Annie par un médecin et une infirmière qui a un visage gentil, le policier qui dit qu’il reste joignable à l’accueil, le médecin qui dit n’avoir encore aucune nouvelle à communiquer, une seconde infirmière qui vient la réconforter, le médecin qui annonce que le transport de Louis est en cours, l’infirmière qui essaye de la faire sourire, Annie qui se demande d’un coup comment vont ses enfants, Klein qui vient la rassurer :
– La nourrice est arrivée et tout se passe bien.
Il faut prévenir les parents de Louis. Klein dit qu’il s’en occupe. Faut-il prévenir également ses parents à elle ? Oui ! Le médecin qui revient en disant que le transport va arriver d’une minute à l’autre et que l’état de Louis est stationnaire. Klein qui revient en disant que ses parents viennent de prendre la route pour Paris, l’arrivée de l’ambulance, la prise en charge directe par le bloc opératoire, l’opération qui dure 13 heures et sur laquelle se relayent plusieurs chirurgiens, le coma avancé. Ses beaux-parents qui arrivent à l’hôpital, son beau-père qui la prend dans ses bras, la mère de Louis qui est effondrée.
Louis était resté au total sept mois dans le coma. Annie allait le voir chaque jour. Elle organisait sa journée en fonction de ses enfants et de ses visites à l’hôpital. Elle lui parlait longuement. Un médecin lui avait dit qu’il était possible que les personnes en état de coma avancé entendent ce qu’on leur dit, qu’il fallait parler au patient tout en faisant attention à ce que l’on disait. Alors, elle lui parlait, lui racontait ce que ses enfants avaient fait la journée, leurs joies, leurs peines, leurs notes scolaires, sa propre journée de travail.
Après l’accident, les responsables professionnels de Louis venaient plusieurs fois par semaine, puis les visites s’étaient estompées. Il en était de même pour leurs amis qu’elle ne voyait plus beaucoup et se demandait même s’ils n’avaient jamais été amis.
Au bout de six mois, les difficultés financières avaient commencé avec la diminution très sensible des revenus de Louis. Elle était également embourbée dans les questions d’assurance pour l’accident et ses conséquences et, bien qu’ils soient mariés, elle avait dû demander au juge la mise sous tutelle de son mari pour pouvoir gérer ses affaires, car ils ne disposaient pas de compte joint et avait du mal à payer la location de l’appartement. Au septième mois, un matin, il était sorti du coma. Il était affaibli, amoindri. Il avait dû réapprendre à marcher, à lire, à écrire.
Après trois ans passés par Louis en milieu hospitalier, les factures s’amoncelaient. Régulièrement, Annie recevait des avis d’huissier qu’elle essayait de tempérer ou qu’il fallait négocier. Sa vie tournait lentement au cauchemar. Elle avait fait appel à ses parents pour essayer de limiter la casse. Ils lui avaient prêté une grosse somme d’argent pour qu’elle puisse tenir. Ses frères et sœurs étaient d’accord et avaient également contribué. Annie ne voulait pas embêter Louis avec ces tracasseries administratives. Elle avait bien essayé de demander de l’aide aux services sociaux, mais recevait principalement des fins de non-recevoir des agents de la Ville de Paris qui semblaient hermétiques à ses difficultés.
Un jour, au bord du désespoir, Annie s’était ouverte à Louis des difficultés qu’elle rencontrait. Il lui avait dit qu’ils allaient s’en sortir, qu’ils en avaient déjà vu d’autres.
Début deux-mille-vingt-neuf, les évènements s’enchaînèrent : l’expulsion de leur appartement, la recherche d’un nouveau logement, toujours ces problèmes d’argent, et ce n’est pas avec ce qu’elle retirait de son travail d’infirmière que cela irait mieux. Elle avait bien pensé faire une demande de logement social, mais c’était compliqué, car il y avait une liste d’attente impressionnante, et elle était en profession libérale, donc ne rentrait pas dans les critères d’attribution d’un logement. Fallait-il se résoudre à quitter Paris ? En attendant, elle avait trouvé un petit appartement dans le 18e arrondissement, avec un loyer qui lui semblait exorbitant, mais restait plus raisonnable que le précédent. Louis avait fini par sortir de l’hôpital et était revenu à la maison.
Un jour, les responsables de Louis étaient venus à son domicile pour lui annoncer que l’entreprise venait d’être rachetée par un groupe de distribution américain et que les activités étaient transférées à Dublin. En conséquence de quoi, un plan social était mis en place et il allait recevoir prochainement sa lettre de licenciement. Son supérieur hiérarchique partait pour Dublin et les autres étaient priés de se trouver une occupation ailleurs. Ils étaient sincèrement désolés pour lui.
Louis se dit qu’il était hors de question de se retrouver un seul jour au chômage. Mais son accident l’avait terriblement affaibli et il n’avait plus la même résistance qu’avant. Il se dit qu’à trente-quatre ans, il n’était pas fini, allait rebondir, trouver un autre job. Il envoya des centaines de CV dans toute l’Europe. À chaque fois, la réponse était la même : bla-bla-bla… nous vous souhaitons bonne chance dans vos recherches… Des fois, la réponse n’était même pas signée. En général, il n’avait pas de réponse. La crise financière qui venait d’éclater n’incitait pas les entreprises à recruter.
Il décida de monter une activité de service à domicile avec ce qui lui restait de son indemnité de licenciement, mais c’était très dur. Ses affaires avaient végété, puis périclité. Il avait été obligé de déposer le bilan. Ils se retrouvaient maintenant dans une situation pire que précédemment, car cette fois, ils ne disposaient plus que du minimum de solidarité majoré pour invalidité et des maigres revenus d’Annie pour vivre.
Louis restait parfois des journées entières sans sortir, à tourner comme un lion en cage dans l’appartement. Il devenait irritable, ne supportait plus rien. Les médecins, qui traitaient encore les conséquences de son accident, lui conseillèrent de se faire assister psychologiquement, mais il les avait envoyé balader en leur jetant à la figure qu’il n’avait pas de problème psychologique. Annie, il le voyait bien, était devenue mélancolique. Elle n’avait plus ce petit sourire qu’il lui connaissait autrefois.
Et puis un jour, tout avait explosé. Cela avait commencé par des reproches. Il lui avait balancé à la figure tout ce qu’il ruminait et se reprochait à lui-même depuis longtemps. Il l’avait culpabilisé pour leurs échecs, les siens et ceux qu’il attribuait à Annie. Elle s’était mise à hurler, sangloter, lui criant entre deux sanglots qu’elle avait sacrifié une partie de sa vie pour sauver la sienne après son accident, qu’elle avait tout enduré sans rien dire, qu’elle l’avait toujours soutenu, que c’était une trahison de sa part, qu’elle avait toujours cru en lui, mais que maintenant, c’était définitivement terminé. Elle avait pris les assiettes sur la table dressée pour le repas du soir et les avait violemment jetées l’une après l’autre sur le sol où elles s’étaient brisées en mille morceaux. Elle aussi était brisée.
La suite avait été une lente descente aux enfers. Annie et lui s’étaient séparés. Il vivait dans une toute petite chambre sous les toits. Il peinait à en payer le loyer avec sa maigre pension. Sa mère était décédée et son père avait, comme on dit, perdu la boule et avait été hospitalisé dans un établissement spécialisé. Il avait essayé de récupérer leur logement à Saint-Denis, mais avait échoué. La situation avait continué de se dégrader et il n’avait plus pu payer le loyer. Il voyait ses enfants de plus en plus épisodiquement.
Le vingt et un mars, après que les huissiers eurent procédé à la saisie de ses quelques meubles, il fut expulsé de son logement et n’emporta que ce qu’il pouvait prendre avec lui. Avec le peu d’argent qu’il lui restait, il habita quelque temps à l’hôtel, puis se retrouva vraiment à la rue. La rue est un univers difficile et impitoyable. Il déambulait sans but la nuit et essayait de dormir un peu la journée. De temps en temps, il allait faire la manche dans le métro, mais se faisait régulièrement expulser, car même la mendicité dans le métro parisien est un métier et a ses règles. Les étrangers n’y sont pas les bienvenus.
Et puis il y avait toute cette violence. Plusieurs fois, il s’était fait menacer à l’arme blanche pour lui soutirer son maigre argent ou son manteau. Il avait été obligé de s’endurcir moralement et physiquement, car il sentait bien qu’il fallait se montrer fort dans cet univers impitoyable. Il fréquentait régulièrement les foyers d’accueil qui ne fonctionnaient que l’hiver où lorsqu’il faisait froid. Il allait également à la soupe populaire. Au moins cela lui servait-il à avoir un repas chaud et à pouvoir prendre une douche. De temps en temps, il recevait même des vêtements ou des chaussures en état correct.
Une fois par mois, il allait récupérer son allocation d’invalidité dans un bureau de Poste du quatorzième arrondissement de Paris où il était connu. Cela lui permettait de passer quelques nuits dans un hôtel de passe du quinzième arrondissement qui ne lui prenait pas trop cher. Puis c’était à nouveau la rue. Il avait été obligé de se domicilier au siège de l’Armée du Salut à Paris afin de pouvoir continuer à bénéficier de sa modeste allocation. Il avait fait une demande pour obtenir le revenu de solidarité, mais l’instruction de son dossier était en cours, lui affirmait-on. Il ne pouvait plus chercher de travail, car pour demander un travail, il faut une adresse, un numéro de téléphone et une adresse mail. Toutes ces choses lui paraissaient insignifiantes autrefois, mais lui étaient devenues inaccessibles maintenant. Louis avait honte de sa situation et ne voulait plus se présenter à l’appartement d’Annie pour prendre les enfants et peut-être devoir répondre à leurs questions sur sa situation. Et puis un jour, le nom d’Annie disparut de la liste des habitants de l’immeuble.
A suivre …. (Lire la suite)
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